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Eikomania

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Les Écoles de Cinéma sont-elles des réservoirs à désillusions et forment-elles les futurs chômeurs 2.0 ?

@eikomania.me x Anha S.L


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Le septième art en fait rêver plus d'un. Pour certains, toucher du doigt ce rêve est inaccessible. Pour d'autres, côtoyer les étoiles et frôler la peau de velours d'une pellicule fantaisiste peut être un objectif qui doit se concrétiser. 

Des grands noms bien ancrés dans cette industrie comme Steven Spielberg, François Truffaut, Martin Scorsese, Jacques Demy se mélangent à ceux qui sont plus timides et qui ont du mal à prendre la lumière. Et, depuis quelques temps, on a découvert des noms au féminin à la voix forte ; des femmes cinéastes et actrices qui proposent des scénarios riches en propositions et en couleurs.  

Oser, c'est le mot d'ordre quand on a envie de faire de sa vie, du cinéma. Mais parfois, être un peu trop utopistes nous conduit à affronter des désillusions au goût amer. Le monde des statuettes dorées est une cage aux barreaux d'argent et ceux qui y sont entrés ne peuvent plus ressortir et voler de leurs propres ailes. 

Il n'y a pas de bonne formation pour être un bon cinéaste, technicien image ou son. Ça serait trop simple de suivre à la lettre un simple tutoriel pour être la prochaine star montante ou le petit prodige adulé par les aficionados prêts à dégainer leur smartphone pour avoir un selfie souvenir qui va se retrouver dans le feed Instagram ou dans un tweet enflammé bourré de #Hashtags fichés dans les Top Tendances. 

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On a tendance à gueuler sur les pistonnés mais finalement, si on était issus d'une famille assez côté et qui était souvent en haut de l'affiche ou qui la partageait avec Cotillard, Canet ou Lacoste, on ne cracherait pas dans la soupe. Ce sont les comportements qui nous irisent le poil et nous font bouillir de rage. 

Les écoles de cinéma nous déplient le tapis rouge lors des portes ouvertes et nous vendent du rêve. On a l'impression de réaliser tous nos rêves et de se sentir légitimes d'avoir le titre tant convoité de "réalisateur-rice", "compositeur-rice", "producteur-rice" et tous les autres corps de métiers qui finalement se déclinent à l'infini aussi bien au Masculin qu'au Féminin – on note ici la référence du film réalisé par le cinéaste au franc-parler, Jean Luc Godard qui a été source à polémiques. 

On parle de facteur de chances, de possibilités tant financières qu'artistiques, d'opportunités et de rencontres qui peuvent bouleverser un scénario déjà bien défini. 

Mais pour devenir acteur et actrice d'une industrie française en berne, au modèle vieillissant et rétrogradant facilement comparable à un cinéma coûteux datant des années 20, devons-nous forcément passer par une école, des workshops ou sommes-nous aptes à devenir des autodidactes à part entière afin de tirer notre épingle du jeu en tant qu'outsiders et challengers

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L'école, un laboratoire où l'on peut expérimenter et rencontrer nos futurs partenaires de jeu. 


Le cinéma comme la vie est un jeu. Étudier dans ce genre de laboratoires est une aubaine pour pouvoir réaliser des vieux rêves enfouis dans une boite en carton. On ressort nos vieilles histoires, des trucs que l'on a écrit dans la marge de nos copies doubles lorsque nous étions encore lycéens et on dégaine la caméra, ce truc sacré pour lequel tout le monde se bat. 

Mais avant de rentrer dans ces écoles, il existe plusieurs options : 

🍓Obtenir un ticket d'entrée pour un BTS (son, image, montage, production) et donc une formation gratuite sur Admission Post-Bac / ParcourSup.

🍓Avoir les moyens de se payer une école, s'endetter sur plusieurs années – une année coûte entre 7000 et 8000 euros et plus les années avancent, plus c'est exponentiel – mais pratiquer dans une école privée  et donc réaliser un bout de ses rêves au détriment de son porte-monnaie (il en existe plein, je n'en citerai pas car j'en ai fait une et mon avis est mitigé. Vous pouvez facilement en trouver sur Google)

🍓Avoir un Bac +2 et tenter les concours de La Fémis et Louis Lumière, deux grandes écoles publiques de cinéma mais qui sont ultra sélectives. La formation est gratuite et dure en général 4 ans pour le cursus général qui se décline en plusieurs sections. 

Dans tous les cas, quand on part du principe que l'on va apprendre, rencontrer des passionnés de cinéma, d'arts et que l'on va bien s'éclater ensemble. On en oublierait presque la concurrence et tous ces petits détails qui au final vont tôt ou tard se répercuter sur notre avenir comme le fait d'avoir un prêt étudiant, un loyer ou des créanciers. 

L'école, c'est sûrement mieux que la faculté qui est plus théorique, afin de pratiquer et de comprendre les mécanismes d'une industrie complexe. On paye le prix la plupart du temps mais on nous accompagne, la plupart du temps, dans nos démarches et nos projets. Je ne m'avancerai pas plus sur ce terrain miné car entre les pro-Fac et les pro-École, une petite bataille sans merci se déclencherait et chacun essayerait de tirer la couverture de son côté pour hisser le drapeau du meilleur apprentissage. 

Les intervenants et professionnels de l'industrie nous enseignent des choses assez utiles que l'on peut appliquer sur nos propres tournages et de fait, nous partons un peu plus serein de ce laboratoire. On le sait tous ; à la sortie des écoles de ciné, il y a 1% qui devient réalisateurs.rices et 0,006% qui monte les marches du Festival de Cannes pour présenter un premier long-métrage

Le problème, c'est qu'on nous vend du rêve. Je le répète encore mais au delà du fait que j'ai énormément appris, rencontré mes meilleurs amis, mes partenaires de tournage et un potentiel adorateur, ça reste moindre et on ne nous apprend pas à anticiper la suite, ce post-études bien flippant. Néanmoins, c'est un cercle social non négligeable et le début d'un réseau artistique sur lequel on peut s'appuyer. Surtout quand on se forme en tant que professionnels et jeunes adultes. On sort de l'adolescence et on a des rêves. Grâce à ce laboratoire, on peut le faire et on doit vivre notre meilleure vie ! Sauf que parfois, on est un peu trop ignares et que l'on ne profite pas assez de l'instant présent. On pense à cet avenir incertain et c'est bien dommage. 

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Post-école : le cinéma, ce rêve qui s'éloigne et le chômage qui pointe le bout de son nez.

Après nous avoir balancé de la poudre aux yeux, on se retrouve quand même confrontés à la dure loi de la vie : trouver un premier emploi stable ou réaliser un premier long-métrage

Un peu bornée, j'ai choisi la seconde option afin de prouver de quoi j'étais capable de faire. On m'a souvent prise pour une extra-terrestre et les réflexions indécentes fusaient concernant mon univers, ma façon de voir les choses et mon ambition de vouloir révolutionner le monde. Le directeur de la section réalisation m'a sorti cette punchline choc : 

" C'est bien, t'as un univers. 
Mais t'es totalement déconnectée 
du monde professionnel."


Peut-être que c'était maladroit ou dit "juste comme ça" sur le moment. Mais ça vexe, ça fout les boules et les doutes sur tes capacités se multiplient : 

"Est-ce que je suis taillée 
pour ce métier ?"

C'est une question que l'on se pose tous à un moment de notre vie. Mais dans l'art, j'ai la sensation que les sentiments sont décuplés surtout ceux d'imposture. On a du mal à se dire qu'on est à la hauteur pour pouvoir pénétrer dans l'antre du 7ème art où de grandes personnes – qui eux aussi, étaient des outsiders autrefois – ont marqué d'une pierre blanche l'Histoire du cinéma. 

C'est terrible de se dire que l'on a fait tous ces sacrifices pour rien et que l'on se retrouve à la rue avec une valise pleine de rêves fous. On nous a claqués la porte au nez et maintenant, on se dit : " On fait quoi ? ". Et bien, on se démerde pour réaliser un stage, améliorer son réseau, partir à l'autre bout du monde, voir si l'herbe est plus verte ailleurs et surtout essayer d'être heureux

C'est bien chouette de vouloir rafler une Palme d'or, être sélectionné dans les plus grands festivals du monde, faire un film plébiscité par la critique et amener une réflexion pointue auprès d'une Génération qui a plus que besoin d'évader et de croire à leurs aspirations les plus profondes. Okay, c'est bien ? Mais après ? 

Dans ce métier, on se demande toujours : 

" Et après, on fait quoi ? "

☀️Un autre scénario ? 
☀️Attendre 5 ans pour réaliser un autre film ?
☀️Faire un job alimentaire pour s'auto-produire parce que personne ne te donne ta chance ?
☀️Continuer de faire des petits stages à des postes ingrats pour essayer de monter en grade ? 
☀️Écrire, rédiger encore et réécrire à jamais un truc qui ne sera jamais produit ?
☀️Être pistonné et avoir de la chance. 
☀️Voir les autres progresser, s'accrocher, aider par Pierre Paul Jacques et être frustré qu'on ne te laisse pas t'exprimer.
☀️Regarder la cérémonie ennuyante des César et te dire qu'au final, tout ça, c'est l'esbrouf et que ça n'a rien d'excitant.
☀️Abandonner le cinéma, faire quelque chose d'autre, de mieux, de moins destructeur, de plus épanouissant et de te dire que c'est mieux ainsi. 

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Parfois, quand on grandit, on se rend compte à quel point on a été obstiné et qu'on est allés jusqu'au bout de nos capacités. Dans cette industrie, il est difficile de se faire entendre et d'avoir une place au soleil. Mais le plus important est de ne pas perdre le nord, ni votre propre éthique. Certains renoncent à leurs valeurs pour réussir, pour un tas de pixels que les générations d'après oublieront car malheureusement, plus nous avançons dans le temps, plus les films se perdent au beau milieu des autres médias, des stories, des Tik-Toks et surtout la série remplace petit à petit les films. 

On binge-watche sur les plateformes SVoD et on devient des excellents clients-consommateurs. C'est comme une drogue et plus la demande est forte, plus il y a aura de séries qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Une nouvelle économie et way-of-life se mettent en place au détriment des films d'auteurs voire commerciaux que l'on allait voir à la sortie des cours ou le samedi soir avec un crush. C'est triste mais le cinéma coûte cher et avec la crise, cela ne s'améliore pas.

Tout s'effondre même s'il reste sûrement une lueur d'espoir pour un cinéma fait à partir d'un système D qui a été longtemps jugé comme obsolète ou bas de gamme. Et pourtant, c'est peut-être lui qui va sauver l'économie et l'industrie cinématographique comme dans les années 60 avec la Nouvelle Vague Française totalement opposée aux tournages en studio trop onéreux, qui manquaient cruellement de spontanéité. La boucle est bouclée. 

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Quel avenir pour le cinéma et cette bande d'apprentis cinéastes ? 

Avec cette pandémie, la culture en prend un coup depuis maintenant un an. On fête en mars prochain, le début de la descente aux Enfers pour les différents corps de métiers artistiques mais cela concerne beaucoup d'autres secteurs, évidemment. 

Les aspirants cinéastes doivent être dans un tourment sans fin entre le télétravail, les restrictions, les règles sanitaires sur un plateau de tournage... Le monde tourne au ralenti et l'industrie également. 

L'année dernière, le Festival de Cannes a été annulé. En 2021, il a été reporté en juillet mais avec tout ce qu'il se passe, cela ne m'étonnerait guère qu'il soit encore cancelled par le Gouvernement qui ne fait que de jouer au yoyo avec nos nerfs. 

Pourtant, aller au cinéma n'est pas plus dangereux que de prendre le RER ou d'aller faire des courses dans un hypermarché ultra bondé aux heures de pointe. Mais de toute façon, depuis quelques années, certains critiques comme l'Américain, Richard Brody, affirme que le cinéma français se meurt

Paulo Branco, le fameux super-producteur, qui est un amoureux du cinéma, affirme qu'il y a une uniformisation des films français et donc on en conclut qu'il y a une absence d'univers, de prises de risques... Il y a environ 250 films produits par an en France mais en réalité, combien de chefs d'oeuvres ressortent du lot et que l'on va retenir dans 20 ans ou dans 2 mois ? À peine 2 ou 3. Certains d'entre nous préférerons les blockbusters américains où l'on pose son cerveau pendant 2h30. D'autres un peu plus exigeants sur leurs choix, se souviendront du bon ou mauvais 5 à 7 passé dans une salle obscure miteuse mais l'oublieront dans quelques temps. C'était mieux avant, comme pas mal de choses ma foi...

De plus, selon Brody, personne n'a émergé, n'a mis sa pierre à l'édifice et a eu une patte singulière. De toute façon, l'exception culturelle cristallise le système et les écoles ne font que formater un cinéma français qui a plus l'allure d'une copie faite au papier carbone qu'un tableau qui est le fruit d'une collab' entre un Picasso et un Cézanne 2.0 ! 

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Même Mathieu Kassovitz, réalisateur de la Haine, pense que les salles de cinéma ne sont pas essentielles, sont vouées à disparaitre et que "le cinéma n'est plus aussi essentiel qu'il l'a été à une époque". Pour lui, le cinéma n'a pas de futur

On assiste donc à un changement radical dans cette industrie qui doit au plus vite revoir ses codes pour ne pas sombrer comme le Titanic. Pour les jeunes, c'est compliqué. Pour nous, en tant que professionnels, ça l'est aussi mais on a déjà essuyé les plaques. Et bien souvent, on a jeté l'éponge parce qu'on en a assez d'être pris pour des idiot.e.s. 

Quand on voit que certain.e.s réalisateur.rices – dont Anaïs Volpé avec Heis, film indépendant fait avec 3000 euros en système D sorti dans les salles de cinéma, Amandine Gay avec son documentaire sur les femmes noires "Ouvrir La Voix" ou Laurent avec son Paris est à Nous, acheté par Netflix et crowdfundé avant tout sur Kickstarter – réussissent à faire des longs-métrages avec que dalle et qu'on les emmerde pour les exploiter car ils ne remplissent pas les codes ou les exigences d'un agrément délivré par le CNC, on se demande : 

"Mais qu'est-ce qu'on peut faire pour vivre de notre passion
si même faire un film fait avec une poignée de cacahuètes, sans soudoyé les prods et financé par notre propres moyens
ne suffit pas ? "

On nous cherche encore des problèmes et ce, grâce ou à cause, de l'exception culturelle et du système français ultra complexe et normé. Malheureusement, à l'école, on ne nous avertis pas de la difficulté à produire un film ou à convaincre les producteurs de nous laisser au moins une chance de nous exprimer et de défendre un projet. 

De fait, quand on s'engage dans le cinéma, on a besoin de vivre à côté et donc de faire des jobs sans passion, sans forcément d'intérêt. Sans quoi, on finirait par se tailler une oreille comme Van Gogh et à nager dans une pauvreté sans fin. Cela reste des corps de métiers assez précaires et la désillusion berce le quotidien de ceux qui ont continuent leur route afin de rentabiliser tous ces sacrifices. Alors on continue de servir des cafés latte de chez Starbucks pour des comédiens capricieux, à faire des photocopies pour remplir la énième fiche de demande d'aides au financement sans penser une seule seconde à l'artistique et à trouver des solutions dans l'immédiat pour faire exister au plus vite le projet, à rouler des câbles de 6 heures du mat' à 20 heures du soir et se faire gueuler dessus parce que l'on a pas le noeud parfait, qu'on nous appelle "Machin" à la place de notre vrai nom et se faire harceler par des techniciens/assistants réalisateurs qui vous proposent sans aucune gêne, sur Messenger, de coucher avec eux et qui pourtant se coltinent les meilleurs projets cinéma de l'année. 

À l'école, nous n'apprenons pas à faire face à ce genre de situations. #MeToo et #BalanceTonPorc ont permis de libérer la parole mais ce n'est pas suffisant. Le compte @payetontournage met en lumière ces situations : 

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Au final, bien que l'on en sort enrichis, on n'a malheureusement pas tous les codes pour s'en sortir dans cette jungle qui est le cinéma. Et aujourd'hui, nous sommes une génération un peu lassée par le temps, à tendance aigrie parce que certains comportements sont inacceptables et que personne ne veut prendre le temps de nous écouter. 

Alors, peut-être qu'un jour, ces personnages de papiers qui sont au chômage partiel, vont peut-être prendre forme d'une manière ou d'une autre. Pour l'instant, c'est le stand-bye pour quasiment tout le monde. Alors, on repasse le film en boucle, on regarde à nouveau les vieux métrages des années 60 et on clique sur un site d'achat/revente pour trouver le livre laissé par Alice Guy ou ses congénères : "Comment faire du cinéma ?". Et surtout quand ce dernier est à bout de souffle, on serait presque partants pour croire, davantage, au pouvoir de l'amour qu'à celui du 7ème art qui est en pleine dérive. Tout simplement, parce qu'on ne sait plus l'aimer à sa juste valeur. 


Cinéma, mon amour. Je te quitte.
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